Comment définir son salaire d'entrepreneur en 6 étapes

L’entrepreneur-actionnaire qui exerce une activité au sein de sa société doit définir son propre salaire. Le calcul optimal de ce montant, ainsi que la détermination de la part de dividendes à distribuer demandent une réflexion de fond.

En tant que propriétaire actif dans ma société, comment fixer mon salaire ? Entre un revenu trop bas sanctionné par l’AVS et le salaire excessif condamné par le fisc, il s’agit de mener une réflexion globale pour le calcul optimal de sa rémunération. S’il n’existe pas de réponse universelle, des critères précis permettent de définir le salaire idéal pour chaque situation, puis de se pencher sur l’option du versement d’un dividende.

Voici, dans l’ordre et en six étapes, les bonnes questions à se poser pour y parvenir.

1. Mon salaire est-il suffisant pour couvrir mon train de vie ?

Lorsqu’un entrepreneur-actionnaire désire s’octroyer un salaire minimal servant tout au plus à couvrir son train de vie privé, un budget détaillé de ses dépenses devrait être établi au préalable. Une erreur courante consiste à omettre les autres revenus de la fortune privée dans le calcul. Une analyse globale de l’ensemble des revenus est donc primordiale. Relevons ici qu’il n’est généralement pas admis d’exercer une activité sans qu’elle ne soit rémunérée. Le seul versement d’un dividende est donc à éviter.

2. Mon salaire est-il suffisant au regard de l’AVS ?

Se sous-payer pour éviter l’impôt sur le revenu et les charges sociales est un très mauvais calcul à court et à long terme. Les raisons sont développées plus bas. De plus, si un dividende est versé, l’AVS ne manquera pas de relever cette anomalie : surtout si le salaire ne correspond pas au moins à celui admis pour une même activité à un poste similaire et que le dividende distribué est supérieur à 10 % de la valeur fiscale de la société (méthode des praticiens).

3. Mon salaire est-il suffisant pour une bonne couverture en cas d’invalidité ou de décès ?

Une fois le salaire minimal calculé selon les deux critères ci-dessus, il faudra s’assurer qu’il soit suffisant pour que vous et vos proches soyez à l’abri en cas d’invalidité ou de décès. En augmentant votre salaire, vous augmenterez certes les coûts des différentes assurances sociales et assurances de personnes, mais vous atteindrez aussi le niveau de prestations optimal. Vous éviterez ainsi ce qui est communément appelé la sous-assurance ou la sur-assurance, avec des économies substantielles pour vous et votre société.

4. Mon salaire est-il suffisant pour bénéficier d’un deuxième pilier généreux et d’une optimisation fiscale supplémentaire ?

Lorsque votre salaire a fait l’objet d’une réflexion prenant en compte les trois critères ci-dessus, il peut être intéressant de le revoir à la hausse. Mais pour quelle raison, me direz-vous, si ce n’est pour payer plus d’impôts et plus de charges sociales à titre privé ? Il faut savoir que l’augmentation de votre salaire va améliorer fortement votre prévoyance professionnelle et par conséquent, votre potentiel d’optimisation fiscale. Pour rappel, un rachat d’année de 100’000 francs dans sa caisse de pension permet une économie d’impôts d’environ 40’000 francs pour des revenus imposables de plus de 120’000 francs. Le plan de prévoyance et ses coûts sont donc déterminants pour fixer le salaire optimal. Quant au poids du surplus de salaire et de charges sociales, il sera partiellement compensé par une diminution de l’impôt sur le bénéfice de votre société. De plus, si nous souhaitons faire perdurer notre système suisse d’assurances sociales et financer la 13e rente plébiscitée en votation le 3 mars dernier, il faudra compter sur la contribution des hauts revenus via leurs cotisations salariales, ainsi que sur un rehaussement de la TVA sur les biens de luxe. J’estime aussi que les plus aisés d’entre nous devraient tout bonnement renoncer à leurs rentes AVS. Ces solutions cumulées devraient permettre d’alléger la charge sur les plus bas revenus.

5. Existe-t-il un plafond de salaire au-delà duquel je ne peux pas aller ?

Attention à ne pas trop s’emballer avec l’augmentation du salaire lorsqu’on a pris goût aux optimisations fiscales. En effet, un « gendarme » très attentif vous attend au tournant : l’autorité fiscale. Elle s’appuie sur un arrêt du Tribunal cantonal valaisan reconnu par le Tribunal fédéral, pour imposer un plafond au salaire de l’entrepreneur-actionnaire. Cette méthode, appelée « méthode valaisanne », définit ce qu’est un salaire excessif selon le fisc. En résumé, elle vise à éviter que cette rémunération péjore les bénéfices de l’entreprise. Le Canton de Genève est celui qui l’applique de la façon la plus stricte. Cependant, il est tout à fait possible d’anticiper le problème et d’éviter des reprises fiscales coûteuses et fastidieuses.

6. Une fois mon revenu fixé, un complément devrait-il être versé sous forme de salaire ou sous forme de dividende ?

Ce n’est qu’après l’analyse de la situation selon les cinq étapes décrites ci-dessus que peut/doit se poser la question du surplus de revenu sous forme de salaire ou de dividendes. Il s’agira de calculer les coûts/gains de chaque option sur les différents impôts liés à la société et à la personne privée. Ce qui fera pencher fortement la balance en faveur du versement d’un dividende est l’activation du bouclier fiscal dans certains cantons, notamment Genève, Vaud et Valais. En effet, le cumul des impôts sur le revenu et sur la fortune peut conduire à une charge fiscale dépassant les revenus de l’entrepreneur-actionnaire. Le bouclier fiscal interdit ce risque d’imposition confiscatoire. Dans certains cas, d’importants dividendes peuvent être distribués sans augmenter l’impôt sur le revenu.

En conclusion, fixer sa rémunération d’entrepreneur-actionnaire implique la recherche du point d’équilibre entre salaire et dividendes. Couplées à des rachats d’années dans la prévoyance professionnelle et à une analyse minutieuse du bouclier fiscal, ces mesures permettent de générer des économies d’impôts pouvant aller jusqu’à 71.5 % de taux marginal fiscal. En d’autres termes, une déduction de 100’000 francs pourrait engendrer une économie fiscale de 71’500 francs.